À propos

Je crois que tout est parti d’un Godzilla aperçu dans une vitrine à Lisbonne.

Au milieu d’une vitrine entièrement noire et vide par ailleurs, le monstre, recouvert de peinture blanche, s’attaquait à des petits soldats, tout aussi blancs, qu’il dévorait.

L’idée m’a paru intéressante et a mis en route un processus de réflexion créative. La première idée qui m’est venue mettait en scène deux Godzilla et représentait la lutte entre le capitalisme et le communisme. Je n’ai toujours pas trouvé comment représenter l’un ou l’autre mais ça viendra peut-être.

Ensuite est venue l’idée du Mickey-Godzilla et c’est comme ça que tout a commencé.

Il n’y avait pas d’idée préalable d’un discours qui sous-tendrait la création. C’est petit à petit que j’ai pris conscience d’une critique des icônes que notre société proposait. Je me suis aperçu que par mes créations, je tentais de mettre à jour la face cachée de la médaille. Une mise en garde ?

Dans ce travail j’ai pu mesurer à quoi tient la représentation d’une figure. Quel est le détail indispensable ou suffisant qui va permettre l’identification. C’est parfois évident comme dans le cas de Mickey, parfois moins comme pour Oui-Oui par exemple.

Je recherchais des personnages définis comme éminemment bons pour dévoiler leur côté sombre (2). La liste n’est évidemment pas exhaustive mais pas illimitée : il faut qu’elles soient immédiatement identifiables même sous les traits d’un Godzilla.

C’est quand j’ai voulu faire un Godzilla-Blanche Neige que je me suis également rendu compte que l’impérialisme américain tant décrié dans les années 70 était toujours bien présent dans sa dimension culturelle (1). En effet comment représenter Blanche Neige autrement que telle que Walt Disney l’a lui-même représentée ? Et quelles sont actuellement les icônes universelles autres que les héros américains ? Il y en a bien peu. J’ai alors touché les limites de ma démarche dont je ne voulais pas qu’elle soit uniquement une dénonciation de l’impérialisme culturel américain.

C’est alors que j’ai fait un ange-Godzilla. Je pensais depuis longtemps à un Jésus Christ, mais je ne voyais pas comment représenter le Christ autrement que sur sa croix et les Godzilla ne se prêtent pas vraiment à cette gymnastique. C’est sans doute une fois ce tabou brisé que je me suis intéressé aux crucifix (3).

Jusque là mes créations restaient confinées dans mon espace personnel, seules mes proches y avaient accès. Et puis j’ai franchi le pas et décidé de confronter mon travail  à l’appréciation d’un public plus large. Vous en êtes les acteurs.

P.S. : Quelqu’un m’a demandé si j’étais iconoclaste ou iconolâtre. Je ne crois pas en dieu, et encore moins en la religion des hommes. Cependant la culture chrétienne dans laquelle j’ai baigné toute ma jeunesse – et surtout toute ma scolarité chez les jésuites – a forcément laissé une empreinte teintée d’iconolâtrie. Mais à voir mes créations il est indéniable que j’ai des comptes à régler avec les icônes, et particulièrement les icônes chrétiennes. Et dans ce monde de brutes je compte bien continuer à faire preuve d’iconoclastie avec humour.

(1) La suprématie d’Hollywood dans l’industrie – culturelle ? – du cinéma n’aura sans doute échappé à personne.

(2) Elvis peut être considéré comme une exception dans ce processus. Je n’en suis pas un fan inconsidéré mais lorsque j’ai déballé mon achat, j’ai vu cette position, à laquelle je n’ai rien changé : c’était « le King » ! Le reste n’est que mise en scène.

(3) Il est intéressant par ailleurs de voir que les crucifix sont très présents sur les étals aux Puces et dans les vide-greniers. Signe d’une émancipation culturelle ?

* Le concept d’art combinatoire m’a été soufflé par une amie très chère, illustratrice, emportée beaucoup trop tôt par la maladie de Charcot, une belle saloperie. C’est en quelque sorte en sa mémoire que j’ai repris ce concept pour qualifier mon travail.

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